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On peut transférer de la Chine à l’Afrique, une part de la production de nos biens de consommation  

 

Ce changement de paradigme mondial moderniserait l’Afrique et permettrait à certains pays de s’extraire de la spirale du piège chinois de la dette africaine. L’installation d’infrastructures et d’outils industriels d’entreprises souvent occidentales ainsi que la création d’un important tissu d’entreprises locales, génèreraient sur le sol africain, des dizaines de millions d’emplois plus rémunérateurs que ceux du secteur informel. Les nouveaux échanges entre des Etats africains et leurs partenaires fréquemment français, européens ou américains, augmenterait la croissance de chacun d’entre eux. Cette mutation devrait s’inscrire dans un cadre respectueux de l’environnement.    

 

La France et d’autres pays doivent comprendre que la Chine ne sera pas leur relais de croissance

En France, les plans de relance qui seront mis en œuvre à l’issue de la pandémie, ne permettront pas d’augmenter significativement une croissance qui s’est réduite au rythme de la désindustrialisation et des délocalisations vers la Chine. Apres une courte phase de rattrapage d’un an ou deux, ainsi que cela fût le cas après la crise financière de 2008, le PIB en volume pourrait redescendre au niveau d’il y a 10 ans qui lui-même n’avait que peu évolué depuis le début du siècle. De plus, la part de valeur ajoutée marchande déjà inférieure à 60 % du PIB en 2012, se réduit chaque année pendant que la part de dépense publique augmente. Les intérêts et annuités de la dette absorbent l’équivalent de la totalité de la dotation annuelle de l'éducation, défense, santé, emploi, justice, etc. Par ailleurs, le slogan d’une transition écologique qui créerait 1 ou 2 millions d’emplois en compensation des emplois manufacturiers perdus, s’appuie sur une confusion entretenue entre emplois verts et postes verdissants transformés mais déjà existants. Où est la cohérence économique et écologique quand les emplois et travaux sont le plus souvent financés par l’argent public et que la plupart des matériaux ou produits sont importés de Chine ? La situation post-crise de la France sera comparable à celle d’autres pays mais le pragmatisme s’impose. La Chine produit ses propres biens de consommation et ne constituera pas le relais de croissance que les États occidentaux attendent en vain depuis le transfert de leurs technologies. Mais en revanche, ainsi que nous l’avons écrit dans Le Figaro, « Réduire notre dépendance à la Chine, c'est possible! ». La France devrait évidemment relocaliser des productions mais aussi, aux côtés d’autres Etats, encourager un développement industriel de l’Afrique ainsi que cela a été auparavant fait pour la Chine.

L’industrie manufacturière partie en Chine ou ailleurs ne reviendra pas en France

Les derniers gouvernements promettent des relocalisations mais parmi les millions d’emplois partis en Chine, très peu d’entre eux reviendront. Les syndicats trop politisés et la multiplication des impôts, normes abusives ou taxes punitives ont découragé beaucoup d’industriels. Quelques productions robotisées qui recevront des aides gouvernementales et la fabrication de produits de luxe ou de niches à forte valeur ajoutée, seront parfois relocalisées mais le nombre d’emplois recréés demeurera faible.

Perspectives économiques d’un continent qui pourrait compter 2.5 milliards d’habitants en 2050

Compte tenu d’un coût du travail peu concurrentiel dans l’économie mondialisée, nous n’assisterons donc pas à une réindustrialisation massive dans l’hexagone. Aussi, la France devrait opter pour des solutions lui permettant de sortir de l’ornière au cours de cette décennie. A sa porte, un continent peuplé d’1.3 milliard d’habitants aujourd’hui et de 2.5 milliards en 2050. Elle pourrait tirer avantage de l’atout francophone mais des pays du continent européen géographiquement proche, pourraient aussi profiter d’un alignement des planètes politiques internationales.

Des mécanismes de mutualisation et de péréquation de coûts élevés en occident et plus faibles en Afrique, favoriseraient aussi la pérennité ou la création d’emplois en Europe. Les perspectives économiques sont énormes et l’Afrique pourrait constituer un fort relais de croissance si suffisamment d’entreprises participent à son industrialisation et expansion.

Un alignement des planètes pour développer l’Afrique, contenir la Chine et s’assurer de la croissance

Les mensonges et la responsabilité de Pékin à propos de la propagation de la pandémie du Covid-19 qui a causé officiellement 2.5 millions de décès et davantage indirectement ainsi qu’une dévastation de l’économie mondiale, ont intensifié la méfiance de la communauté internationale à l’égard de la Chine. Même si faute d’autres financements, quelques pays la sollicitent toujours, la quasi-totalité du monde est consciente de la nécessité de juguler la montée en puissance d’une Chine arrogante qui affiche clairement ses ambitions hégémoniques et parfois guerrières. Le piège infernal chinois de la dette africaine, la captation de terres rares ou agricoles et autres richesses d’un continent africain sur lequel elle a déjà installé 10 000 entreprises chinoises, menacent l’indépendance de pays africains.

L’UE, bien que la signature de l’accord de principe UE-Chine sur les investissements puisse interroger, clame être à présent moins dupe. Le nouveau président des USA Joe Biden souhaite, à l’instar de son prédécesseur à la Maison blanche Donald Trump, freiner l’expansionnisme chinois. La nomination au poste de chef de la diplomatie d’Anthony Blinken, partisan d’un leadership américain et celle au ministère du Commerce, de Taiwan Katherine Tai, vont en ce sens. Cette avocate originaire de Taiwan qui aura la difficile tâche de tenter de réduire un déficit extérieur USA Chine atteignant 316.9 Mrds de dollars en 2020, a déclaré lors de son audition au Sénat le mardi 26 janvier 2021, vouloir être ferme et même agressive envers la Chine puis a dénoncé les pratiques commerciales déloyales du géant chinois. Et enfin, on peut espérer que la nigériane Ngozi Okonjo-Iweala qui occupe la fonction de directrice de l’OMC depuis le 1er mars 2021, soit moins laxiste envers une Chine qui en viole les règles depuis 2001 et à propos de laquelle nous nous interrogeons dans l’article « Faut-il exclure la Chine de l’OMC? ».     

Un « bashing » qui  nuit finalement à l’Afrique car il va à l’encontre de son développement 

Alors certes, une volonté commune de développer l’Afrique est primordiale mais la question de la méthode est complexe. Arnaud Kremer, président de la Commission Sûreté du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) déclarait récemment « Nous avons constaté une augmentation manifeste des menaces contre les entreprises étrangères, notamment françaises à travers des actions de relations publiques ou sur Internet via les réseaux sociaux ». Les pays occidentaux au rang des principaux contributeurs dont la France qui subit un « french Bashing » orchestré par la Chine et la Turquie, redoutent qu’on leur prête des velléités de néocolonialisme et se contentent surtout d’aider l’Afrique en versant chaque année 100 Mrds de dollars d’aide publique au développement (APD). La Chine et la Russie profitent de la démission d’anciens acteurs. Pour exemple, lors du forum Russie-Afrique en octobre 2020, un représentant russe annonçait : « Nous allons à l’assaut du marché africain avec un portefeuille de 100 Mrds de dollars.». Des entreprises européennes et américaines investissent en Afrique mais il leur est peu aisé de construire les plans concertés et ambitieux dont celle-ci a besoin.

L’Afrique pourrait devenir le centre de gravité du monde

L’UE semble à son tour comprendre que l’Afrique pourrait bien devenir au cours des décennies à venir, le centre de gravité du monde. Lors de son premier déplacement hors UE, la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, s’était rendue en Afrique au siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba (Ethiopie). Le fonds européen de développement prévoit d’allouer 30 à 40 Mrds d’euros à l’Afrique pendant la période 2021/2027. Bien que cela traduise une prise de conscience, on peut cependant craindre que cette mesure plutôt modeste à l’égard de ce gigantesque continent, ne soit guère à la hauteur des enjeux si elle ne fait pas l’objet d’une stratégie globale. Les 1000 Mrds d’aide publique au développement (APD) versés sans cohérence d’ensemble n’ont pas permis de faire reculer l’extrême pauvreté ni de structurer l’économie (Pour exemple, 9000 entreprises industrielles en RD Congo en 1960 mais seulement 500 aujourd’hui). Les initiatives isolées à l’instar de celle d’Emmanuel Macron qui annonçait en 2019 le versement supplémentaire  de 2.5 Mrds d’euros à des startups africaines puis maintenant d’1 autre milliard, ravira des candidats mais il est permis de douter d’une réelle efficience lorsque les jeunes entreprises ne peuvent s’appuyer sur des infrastructures et des écosystèmes indispensables à leur développement. Dans une tribune intitulée « Afrique subsaharienne: le capitalisme pourrait réussir là où ou l’aide au développement échoue depuis 60 ans, nous proposons de tourner progressivement la page de l’APD qui arrose trop souvent le sable et n’a pas fait diminuer un emploi informel qui concerne encore 85 à 89 % de la population active subsaharienne ni privilégié une modernisation de l’économie. Des entreprises organisées offriraient des emplois mieux rémunérés. De plus, l’augmentation raisonnable des salaires de production que nous conseillons dans nos études relatives au projet International Convention for a Global Minimum Wage, contribuerait aussi à une élévation du niveau de vie d’autres populations et accélérait ainsi le développement de l’Afrique.   

Le concept de Verticale Afrique Méditerranée Europe (AME) générerait des conflits régionaux 

Elisabeth Guigou a créé en 2019 la fondation de droit belge verticale Afrique Méditerranée Europe (AME) dont elle assure la présidence. Le président d’honneur n’est autre que l’ancien président de la Commission européenne Jean Claude Juncker et d’autres retraités de la politique soutiennent aussi l’ex-garde des Sceaux. Néanmoins, ce concept plus théorique et idéologique que réaliste qui suggère des intermédiaires financiers et le transit de la production subsaharienne par le Maghreb apparait dangereux. Certes, des collaborations industrielles entre le sub-Sahara et le Maghreb sont très souhaitables. Mais lorsque l’on connait l’histoire de l’Afrique et ses conflits régionaux, on ne peut alors ignorer qu’un effet de subordination entre les deux régions ne ferait guère l’unanimité en Afrique subsaharienne et serait de nature à générer des querelles régionales. A l’origine de l’AME, l’association loi 1901 IPEMED. Ce think thank euroméditerranéen surtout financé par des entreprises du Maghreb,  a été fondé en 2006 par Jean Louis Guigou, mari de l’ancienne députée socialiste née à Marrakech.

Africa Atlantic Axis, un plan responsable de régionalisation industrielle en Afrique subsaharienne

Seul un plan de régionalisation de la production, international, concret et structurant mais tenant aussi compte des nouveaux paramètres géopolitiques régionaux, pourrait réussir. La signature d’un contrat avec chacun des pays qui adhèreront à ce projet afin de renforcer leur présence économique et accroître leurs échanges avec l’Afrique, en garantira mieux le respect. Pour encadrer au mieux cette industrialisation, il nous faudra identifier dans chaque pays partenaire extérieur à l’Afrique, les grandes et moyennes entreprises dont l’activité pourrait s’inscrire dans une complémentarité sectorielle. Afin de les convaincre d’accepter de déménager leur production chinoise en Afrique, nous devrons bâtir les schémas industriels globaux au sein desquels elles pourraient se projeter. Elles constitueraient ensuite des écosystèmes performants et cohérents dont la proximité réduirait souvent le transport de matières ou pièces au sein de chaines de valeur mondiales (CVM). Les entreprises ressortissantes des Etats signataires bénéficieraient d’un accompagnement pour faciliter leur implantation (recrutement et formation, assistance juridique, fiscale et administrative, études etc.) qui les rassureraient et contribuerait ainsi à une attractivité pour l’Afrique subsaharienne. Par ailleurs, une contribution à un renforcement sécuritaire en faveur des régions qui recevraient les milliers d’ingénieurs ou techniciens étrangers chargés d’installer les usines ainsi que leurs familles, devrait être envisagée. Les parcs d’activités qui accueilleraient les usines étrangères et locales, répondraient à des normes environnementales et sanitaires précises.

Le coût de construction des bases dont accès routiers, ferroviaires, aéroportuaires ou portuaires, fourniture énergie, réseaux  télécommunications, travaux de voirie, gestion des déchets mais aussi dispositifs de sécurité, habitations, écoles, centre médicaux et commerces destinés à l’accueil des personnels et de leurs familles, seraient éligibles au financement par les grandes institutions internationales et pays donateurs dans le cadre du développement de l’Afrique. Le montant dépensé pour chaque site industriel qui sortirait de terre tous les 2 ou 3 ans devrait avoisiner 3/4 Mrds euros.

Il serait utopique de viser une industrialisation simultanée de plusieurs dizaines de pays d’Afrique subsaharienne. Le développement industriel prendra du temps et devrait s’initier d’abord à partir de pays situés sur la façade atlantique ou proches de celle-ci conformément au programme Africa Atlantic Axis. Car cette situation géographique faciliterait les échanges avec les deux grands marchés de consommateurs que sont l’UE et les USA. Quelques pays seraient d’abord davantage concernés mais de nombreux entrepreneurs extérieurs bénéficieraient aussi de ce réseau et des demandeurs d’emploi originaires d’autres États verraient des opportunités s’offrir à eux au sein d’un maillage professionnel dense. Ce plan ciblé afin d’être efficient et aisément finançable, pourrait se substituer progressivement à l’APD pour répondre au  souhait de nombreux africains qui voudraient mieux vivre de leur travail et rompre avec une assistance certes bienveillante et souvent indispensable mais qui renvoie une image négative du continent qu’ils veulent changer. Le processus d’intégration industrielle augmenterait les ressources budgétaires d’États africains. Il favoriserait une sécurisation des territoires, élèverait le pouvoir d’achat de populations pauvres et réduirait les flux migratoires de l’immense continent dont la construction économique nécessiterait l’implication et toute l’énergie de sa jeunesse.

L’habitat d’une faune sauvage exceptionnelle et patrimoine de l’humanité, n’a pas vocation à devenir l’atelier du monde ni sa poubelle   

Hors d’un cadre comme celui que nous préconisons, l’industrialisation de l’Afrique pourrait faire des dégâts irréversibles. Quelques-uns rêvent que l’Afrique devienne l’atelier du monde mais la méthode anarchique qui consiste à couler une multitude de dalles de béton baptisées zones industrielles pour attirer un maximum d’industriels plus ou moins vertueux, pourrait s’avérer très nuisible. Il est certain que les populations ne souhaitent guère qu’une armée d’industriels massacre la biodiversité et défigure l’Afrique en moins de 10 ou 15 ans. Les Etats réclameraient alors des indemnisations mais les usines fermeraient et les territoires détruits seraient encore plus pauvres. L’exemple d’une politique industrielle chinoise sauvage qui saccage les lieux de vie et cause une pollution des sols, de l’eau et de l’air tuant chaque an 2 ou 3 millions de chinois, devrait faire réfléchir. 

Un dessein qui pourrait fédérer

A l’opposé de politiques ou de propositions économiques, internationales ou locales, souvent creuses et sans lendemain mais qui sclérosent depuis 60 ans toute avancée significative en matière de développement de l’Afrique subsaharienne, notre programme Africa Atlantic Axis pourrait au contraire être mis en œuvre à moyen terme, si toutefois les pays africains les plus concernés le souhaitent. Les institutions financières internationales ne pourraient que s’associer à ce projet de progrès. La hausse des salaires chinois pourrait favoriser la  création en Afrique de plusieurs dizaines de millions d’emplois. De nombreux autres seraient créés au fil de la hausse du pouvoir d’achat local et de la démographie africaine. On sait déjà que de nombreuses entreprises surtout occidentales qui songent depuis plusieurs années à quitter la Chine, seraient désireuses et fières de contribuer à ce grand dessein.  

 

Francis JOURNOT est consultant, entrepreneur et dirige le Plan de régionalisation de production Europe Afrique ou programme Africa Atlantic AxisPlan. Il est aussi l’initiateur du projet International Convention for a Global Minimum Wage

 

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