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L’Afrique subsaharienne ne se développera qu’en s’appuyant sur deux jambes : création d’infrastructures en même temps qu’industrialisation 

Partenariats public-privé (PPP), obligations d’État ou prêts, quels que soient les modes de financement des services publics ou infrastructures, les pays financés s’exposent, en cas de manque de rentabilité des équipements publics, de croissance insuffisante ou de difficultés de remboursement, au risque de devoir hypothéquer toujours plus de biens et richesses. Aussi est-il impératif que ces processus de financement s’accompagnent d’un important développement économique que seule une industrialisation simultanée pourrait procurer. La hausse de pouvoir d’achat et l’enrichissement des Etats permettraient d’honorer les engagements signés et de se préserver ainsi de prédations.  

Financement des services publics et infrastructures au moyen de partenariats public privé (PPP)

La Banque Mondiale est à l’initiative du projet "From Billions to Trillions" dévoilé en 2015 puis rebaptisé "Maximizing Finance for Development" en 2018. Aux côtés de l’ONU, du FMI et G20, l’institution financière préconise des partenariats public-privé (PPP) afin de décupler la puissance des 150 milliards de dollars de prêts publics au développement que les banques multilatérales de développement (BMD) versent chaque année pour doper les investissements dans les services publics de pays sous-équipés.

Le montant des opportunités d’investissements en matière de création de services publics dans le monde (Energie, santé, éducation, route et autoroutes etc.) est estimé à 14000 milliards de dollars. Lors du sommet France Afrique, le président français Emmanuel Macron a présenté un « new deal » déployé dans le cadre de l’Initiative France-Banque Mondiale et promu par l’Agence française de développement (AFD) pour intensifier le recours aux PPP en Afrique.    

Sans industrialisation concomitante, le prix à payer pour la création des services publics pourrait se révéler très élevé

Nombreux sont les pays africains qui veulent conclure des PPP pour installer des infrastructures. Il est cependant peu certain, si l’on observe depuis 2015 un niveau d’intérêt plutôt modeste des marchés financiers pour ce type de financement, que les milliers de milliards escomptés affluent. Par ailleurs, on peut craindre, dans une Afrique Subsaharienne où l’extrême pauvreté gagne du terrain, que le très faible pouvoir d’achat des utilisateurs potentiels, ne permette pas de rentabiliser les lourds investissements. Des Etats africains pourraient alors se voir contraints d’indemniser leurs partenaires privés pour compenser le manque de profitabilité.  

Subséquemment, ces pays devraient encore chercher des fonds, hypothéquer davantage de terres rares ou agricoles. Ils seraient affaiblis et devraient affronter des mouvements populaires qui critiqueraient leur gestion et reprocheraient la privatisation des services publics. L’appauvrissement de populations et de possibles situations de chaos ne profiteraient certainement pas aux investisseurs. C’est pourquoi ceux-ci et africains pourraient partager un même point de vue quant à la nécessité d’un développement harmonieux s’appuyant sur 2 jambes : création de service publics et industrialisation.  

La « lutte pour le climat » ne doit pas se substituer à celle contre l’extrême pauvreté et la faim

Les institutions internationales œuvrent pour une décarbonation de l’économie mondiale mais au moment où la misère fait des ravages en Afrique subsaharienne, l’équité et le pragmatisme doivent primer. Le financement mondial en matière climatique par les plus grandes BMD s’élevait à 165   milliards de dollars en 2019 mais cette cause ne doit pas siphonner des fonds spécifiquement destinés à la lutte contre l’extrême pauvreté et la faim. Ces fléaux doivent demeurer les priorités des objectifs de développement durables (ODD) notamment en ce qui concerne l’Afrique qui émet très peu de co2.

Une efficience limitée des aides publiques au développement

La politique d’aide au développement de l’Afrique subsaharienne échoue depuis 60 ans. L’industrie de cette région s’articule surtout autour du secteur des matières premières et de la transformation des productions agricoles. Aujourd’hui, la plupart des biens de consommation sont importés de Chine. Le G7 promet 80 Mrds de dollars répartis sur cinq ans aux entreprises africaines mais l’efficience de ce coup de pouce sera encore très limitée si l’on pense que celles-ci ne bénéficient que rarement d’écosystèmes performants qui favoriseraient leur essor. Un millier de milliards de dollars a été dépensé depuis six décennies mais la stratégie importe autant que le montant. L’injection de fonds ici et là sans vision globale n’a jamais produit d’effets significatifs en termes de développement industriel.

Quel avenir pour les 400 millions d’africains qui vont arriver sur le marché du travail d’ici 2030 ?

Mais il n’est plus temps de palabrer à propos de l’immobilisme et des erreurs passées car il est d’urgent d’offrir des perspectives d’avenir aux 380/440 millions de personnes qui vont entrer sur le marché du travail en Afrique d’ici 2030. Si nous ne trouvons pas de solutions, des catastrophes humanitaires se produiront immanquablement et certains effets impacteront directement la France et l’Europe. Aussi devrions-nous changer dès maintenant de méthode et nous inspirer du sage proverbe africain : « Si tu donnes un poisson à un homme il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ».

Aucun plan ambitieux d’industrialisation de l’Afrique subsaharienne n’a été jamais mis en œuvre    

Lors du G20 de 2017 à Hambourg, la chancelière Angela Merkel annonçait le programme Compact With Africa (CWA) qui concernait les entreprises allemandes et 12 pays d’Afrique dont 8 en région subsaharienne. 4 ans plus tard, il a sans doute permis des rapprochements mais semble au point mort.    

Plus ouvert et ambitieux, le projet «Africa Atlantic Axis» (AAA) ou «Plan de régionalisation de production Europe Afrique» s’adresse à des entreprises de toutes nationalités et offrirait ainsi de nombreuses possibilités de développement aux entreprises africaines et de nombreux emplois.

Celui-ci propose une industrialisation de l’Afrique subsaharienne dans le respect de l’environnement à partir de bases productives qui s’intègreraient au sein de chaines de valeur mondiales (CVM). Elles seraient d’abord implantées dans des pays de la façade atlantique ou proches de celle-ci afin de fluidifier les échanges avec l’Europe et les USA avant de s’étendre progressivement à tout le continent. D’autre part, l’augmentation raisonnable des salaires de production que nos études prônent dans le cadre du projet «International Convention for a Global Minimum Wage», ferait reculer la pauvreté et permettrait ainsi à un nombre croissant d’africains d’avoir accès aux nouveaux services publics.    

 

Francis JOURNOT est consultant et entrepreneur. Il dirige le «Plan de régionalisation de production Europe Afrique»  ou programme «Africa Atlantic Axis» et fait de la recherche en économie depuis 2013 dans le cadre du projet «International Convention for a Global Minimum Wage».