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Notre pays connaît la désindustrialisation et une fin de cycle industriel mais l'industrialisation de l’Afrique subsaharienne pourrait ensuite générer de la croissance en France 

Friche industrielleLa réindustrialisation de la France est peu probable mais figurait cependant dans tous les programmes présidentiels en 2022. Des personnalités politiques convoquent notre nostalgie de l’industrie des 30 années glorieuses mais nous avons atteint le point de non-retour dans de nombreux secteurs industriels. D’autre part, la hausse constante du prix de l’énergie qui impacte déjà de nombreuses entreprises industrielles, remet en question des projets de robotisation de production.

Après les cycles primaire et secondaire, le tertiaire s’est imposé. Les économies avancées ont généralement suivi le même cheminement agricole, industriel puis des services. L’économie quaternaire ou numérique doit s’appuyer sur des niveaux forts de développement économique. Elle se nourrit, à l’instar des services, d’interdépendances et d’interactions avec les 2 premiers secteurs.

Les pays les moins développés ne peuvent donc enjamber une progression des cycles, de même que les pays anciennement industrialisés connaissent un effet cliquet qui leur interdit de parcourir le chemin inverse. En l’absence d’exemples de pays ayant réussi à se réindustrialiser significativement après avoir dépassé un certain degré de désindustrialisation (hors guerres), on peut considérer que la réindustrialisation ou la relocalisation d’emplois dans des pays occidentaux aux coûts salariaux élevés et aussi exposés à d’autres formes de dumping, relève à présent du vœu pieu ou de la démagogie.   

Parmi les obstacles qui s’opposent à une réindustrialisation de la France, figurent un environnement fiscal, normatif, administratif et syndical peu engageant, la difficulté de trouver des candidats formés mais aussi un coût salarial et de formation élevé. Autrefois, la perspective de travaux moins rudes que ceux de la ferme pour des générations qui quittaient l’agriculture, l’entourage social et l’habitude au sein de familles d’ouvriers qui se succédaient dans des entreprises réputées pour transmettre des savoir-faire avec le goût de l’excellence, souvent premiers employeurs régionaux qui offraient la sécurité de l’emploi et chez lesquels les salariés étaient fiers de travailler, ont favorisé l’abondance de main-d’œuvre et le succès de ce modèle industriel.

Le déficit de la balance commerciale a atteint en 2022, le record historique de 159.5 Mrds d’euros. Le processus qui nous entraine vers la fin du cycle industriel, s’est intensifié surtout à partir des années 80. La financiarisation a fait voler en éclats un modèle patrimonial et paternaliste incarné par les derniers capitaines d’industrie. Il ne convient pas d’idéaliser à outrance ce modèle qui comportait des défauts, mais cette culture fédérait et la population bénéficiait du développement industriel. Pour mieux faire passer la pilule des fermetures d’usines et des délocalisations, François Mitterrand faisait le choix d’une société de l’assistanat. Le gouvernement instaurait le RMI en 1988. Il avait auparavant soutenu l’initiative des Restaurants du Cœur de Coluche, afin que ceux-ci contiennent, aux côtés d’autres associations de plus en plus débordées, des situations d’extrême pauvreté. La politique de l’assistanat a réduit le risque de révolte ouvrière mais a favorisé l’acceptation d’une mondialisation qui fabriquerait en France, de plus en plus de chômeurs et d’allocataires de minimas sociaux.

Dans la France de 2023, de multiples possibilités s’offrent aux jeunes qui entrent dans la vie professionnelle. Beaucoup redoutent des tâches répétitives avec un risque souvent élevé de maladies professionnelles et un manque de considération du travail industriel. Certains choisissent même de baser leur parcours de vie sur un assistanat maintenant institutionalisé. Depuis plusieurs décennies, les enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants d’ainés qui avaient quitté la ferme pour l’usine, préfèrent souvent, lorsqu’ils sont licenciés, travailler dans des métiers du secteur des services. Cela illustre l’évolution du travail ainsi que le phénomène des cycles.

La fin d'un cycle industriel français ne signifie évidemment pas une absence totale d’industrie ou qu’il faille se resigner à la désindustrialisation de la France mais on doit néanmoins faire le constat du recul en termes d’emplois. En effet, notre pays comptait 6 millions d’emplois industriels pour une population active de 22 millions de personnes en 1974. Actuellement, l’effectif de l’industrie manufacturière de transformation des biens, hors secteur agroalimentaire, n’excède pas 1 million pour 28 millions d’actifs. Citons d’abord les secteurs qui nécessitent des emplois métallurgiques : « L’industrie automobile (dont construction auto, équipementiers automobiles) génère à elle seule 205 000 emplois » (CCFA 2018) mais la transition vers l’électrique pourrait détruire 50/100 00 emplois, Aéronautique et spatial, Naval, Ferroviaire, Armement 270 000, Nucléaire 100 000 emplois selon SFEN.  Puis Chimie, pharmacie et cosmétiques 150 000, Textile et maroquinerie 75 000 dont luxe, Meuble 30 000 etc.

Quand un pays désindustrialisé qui a perdu la plupart de ses savoir-faire et de ses écosystèmes, relocalise quelques activités robotisées dépendantes de chaines de valeur mondiales, avec peu d’emplois à la clé, il est alors exagéré d’évoquer une réindustrialisation. Ce néologisme a fait son apparition aux Etats Unis et un débat fut engagé au Congrès américain au cours des années 80. Plus récemment, le président Donald Trump a souhaité relocaliser une part de l’industrie mais la volonté politique n’a pas suffi et le déficit commercial américain enregistre en 2021 un record de 859.1 Mrds de dollars.

Des machines et des productions se baladent à travers le monde au gré des subventions, des couts salariaux ou de l’attractivité fiscale mais peut-on parler de réindustrialisation quand une activité marque seulement une halte pendant quelques années en France ?

La relocalisation d’industries désormais robotisées est toujours souhaitable mais le contribuable a-t-il vocation à subventionner des entreprises parfois chinoises qui s’installent ainsi au cœur de l’Europe pour mieux capter les parts de marché de leurs concurrents français et européens. Cette vision mondialiste s’oppose au modèle de l’industrie française forte qui enrichissait la France et profitait à tous. Les plus grands fleurons ont certes souvent bénéficié de larges subventions de l’Etat français mais participaient en revanche à la création d’écosystèmes disséminés sur la toute la France, à la structuration et à l’enrichissement des territoires, gêneraient des millions d’emplois et des cotisations qui finançaient les services publics etc.

La croissance française est atone depuis le début des années 2000. Une sortie de l’UE et de l’euro nous aurait alors permis de protéger davantage notre industrie manufacturière.  2 décennies plus tard, nous ne parvenons que très rarement à trouver des biens courants de consommation « made in France » (hors agroalimentaire). Cela était très prévisible et c’est pourquoi nous avons inlassablement interpellé les trois derniers présidents qui au contraire, ont multiplié durant leurs quinquennats, les accords de libre-échange ou les freins à l’activité industrielle.

De nombreuses personnalités politiques prétendent souvent vouloir et pouvoir réindustrialiser mais oublient que ce sont les dirigeants d’entreprises qui décident de leur propre politique industrielle. Quelques subventions pourraient ne guère suffire. Compte tenu d’une multiplication des taxes et normes, d’un euro surévalué, des 35 heures, d’un coût du travail incompatible avec un faible pouvoir d’achat de consommateurs mais aussi du manque d’intérêt pour l’emploi industriel dans une France qui s’éloigne, même si on le déplore, de son cycle industriel, peu d’entreprises françaises projettent de relocaliser leur production dans l’hexagone.

Nouveau schéma de croissance

Aucun des programmes présentés lors des dernières élections présidentielles, ne pourrait permettre dans le cadre de l’UE, de renouer avec un niveau de croissance qui assurerait la pérennité du modèle social français, diminuerait l’endettement et arrêterait notre déclin. Aussi nous faut-il aller de l’avant et penser une stratégie capable de doper notre croissance. L’industrialisation de pays d’une Afrique qui affiche une prévision de 2.5 milliards d’habitants en 2050, nous procurerait des opportunités.

Beaucoup d’entreprises ont pris conscience d’une trop grande dépendance à la Chine et accepteront de transférer une part des étapes de chaines de valeur mondiales vers d’autres pays peu développés ou que l’on peut parfois classer en cycle agricole mais qui veulent s’industrialiser ainsi que le propose le Plan de régionalisation de production Europe Afrique ou programme Africa Atlantic Axis. Les populations sont en demande de modernisation et d’emplois mieux rémunérés que ceux du secteur informel. Complementaire, le concept International Convention for a Global Minimum Wage   qui concernerait d'abord les emplouis de production, constituerait un accelerateur de développement. Sa progressivité modérerait cependant le risque d'inflation.  

Déjà  bienveillamment accueilli par plusieurs dizaines de médias africains, ce concept sera plébiscité par une jeunesse africaine ambitieuse. En réaffectant une part même mineure du budget annuel français d’aide au développement (AFD et Proparco) de 13/15 Mrds d’euros dont par ailleurs, la plus grande part est actuellement inefficiente en termes de développement, les études d’ingénierie et la mise en œuvre n’occasionneraient donc aucune nouvelle dépense pour le contribuable français. Des effets du projet permettraient de réaliser d’importantes économies dans d’autres postes de dépenses.   

L’ONU et d’autres institutions internationales dont la politique malthusienne tente de freiner la fécondité en limitant le développement, se trompent depuis 60 ans. Surtout idéologique et prônée par le GIEC, émanation de l’ONU, la politique du New Green Deal qui favorise les investissements en faveur de fonds ou acteurs du numérique et des énergies renouvelables, apparait peu pertinente car déconnectée d’un projet industriel d’ensemble et d’un développement coordonné. En allant à l’encontre de l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne, cette vision condamne le continent africain, au sous-développement. 

De même, Remy Rioux, imposé par l’Elysée pour un 3ème mandat à la tête de l'Agence francaise de veloppement (AFD), revendique une politique  "100 % compatible avec l'Accord de Paris" auquel il a participé en 2015. Mais une méthode innapropriée et le manque d'efficacité en termes de developpement, d'un budget proche de 16 Mrds d'euros dont dispositif "choose Africa" ( 3 milliards d'euros pour 26 000 starts-up, TPE et PME africaines) interroge.  Le co-financement d’infrastructures chinoises des « routes de la soie » en Afrique et le versement d’aides à la Chine, peuvent aussi laisser perplexes. Alors, après 60 ans d’inefficacité industrielle, cette émanation de l’Etat français n’est guère crédible quand elle publie en juin 2022, le livre « L'industrialisation en Afrique subsaharienne, saisir les les opportunités des chaines de valeur mondiales" La formule d'apparence volontaire qui semble inspirée de notre coeur de projert, ne peut convaincre quand au contraire, le discours idéologique de l'AFD participe depuis si longtemps d'un immobilisme en Afrique subsaharienne. On peut penser que le Général de Gaulle a créé l'AFD pour favoriser un développement industriel et économique de l'Afrique et non pour instituer un secours perpétuel humiliant pour les africains et finalement trés couteux pour la France. Mais le dirigeant estime que l'AFD est soumise à la nouvelle loi de programmation de l’aide internationale d’août 2021 qui elle même doit se conformer au programme de développement durable de 2015 défini par l’ONU.

Ces choix idéologiques, politiques ou financiers qui excluent, au nom du climat, la plupart des industries manufacturières, condamnent le continent africain, au sous-développement et ses populations, à l’extrême pauvreté, la faim et souvent la mort. Pourtant, l’ONU est consciente des probables conséquences de son inaction. Elle connait les risques de plus grande catastrophe humanitaire jamais connue en Afrique subsaharienne et d’immigration qui déstabilisera l’Europe. La France et l’UE doivent modifier leur politique et cesser de confier entièrement la gestion des capitaux du développement de l’Afrique subsaharienne à des ONG ou organisations publiques dont la perception de l’économie et de l’entreprise, peut apparaitre théorique et dogmatique.     

Seule une hausse du niveau de vie qui encouragera l'éducation des enfants et l'émancipation des femmes, permettra, au fil des années et des générations, une réduction de la natalité. Cela constitue très certainement la clé de la réussite de l’Afrique. Face à l’échec et à l’aggravation de la misère voire de possibles situations de famine dans 45 pays d’Afrique à la suite de la guerre en Ukraine, les organisations internationales devraient enfin changer de politique. Elles pourraient adhérer au financement de structures et infrastructures inscrites dans un cadre organisé du projet. Le coût dispensé au rythme du développement, demeurerait modeste au regard des actions passées qui, bien qu’inefficaces, ont couté prés de 1 500 Mrds d’euros.

Partenariats, mécanismes de mutualisation et de péréquation des coûts ainsi qu’économies d’échelle privilégieront de la compétitivité en Afrique et en France. Lorsque plusieurs pays d’Afrique deviendront des eldorados, le nombre de candidats à l’exil vers l’UE diminuera considérablement et de nombreux drames humains seront épargnés. L’essor offrira à la France, d’innombrables perspectives industrielles et des emplois dans l’ensemble des secteurs d’activité. Cela favorisera la croissance française indispensable au maintien de notre modèle social.    

Francis Journot est consultant et entrepreneur. Il dirige le Plan de régionalisation de production Europe Afrique  ou programme Africa Atlantic Axis et fait de la recherche en économie dans le cadre du projet International Convention for a Global Minimum Wage. Il tient le site Collectivité Nationale   

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